RECIT D’AFRIQUE
Octobre 2013
AFRIQUE DU SUD
Après 6 heures de route depuis Johannesburg, nous arrivons à la réserve de Letaba près de Phalaborwa.
Le paysage change constamment : entre arbustes, plaines d’herbes jaunies et grands arbres, hydratés par les cours d’eau. La terre, quant à elle, passe du rouge, au brun et au gris. Les grandes termitières colorées en sont les dignes représentantes.
Debout, à l’arrière des pick up soulevant la poussière rouge de la piste, nous apercevons des troupeaux d’impalas (antilopes) bondissant dans la savane arbustive.
C’est la période du rut, les mâles s’affrontent sèchement.
Le son guttural qu’ils émettent me fait penser à un buveur de bière qui ne peut retenir des échappées de gaz et qui se finit par le sifflement d’un fumeur.
Certains groupes détalent, d’autres surpris mais méfiants, nous observent.
Les gnous ne sont pas en nombre dans cette région mais la chance nous permet d’apercevoir un gnou bleu, mâle solitaire errant sur son territoire.
A notre approche, un petit chacal s’éloigne en nous scrutant.
Nous surprenons un grand koudou (grande antilope) et ses femelles, broutant paisiblement puis disparaissant majestueusement entre les arbustes en quelques bonds.
Du haut d’un topi (colline), nous voyons des grands troupeaux de buffles se déplaçant. A la jumelle, nous apercevons aussi quelques groupes d’éléphants marchant bon train.
En redescendant du topi, un grand et vieil éléphant solitaire et « monopointe » (une seule défense) nous fait face.
Il avance vers nous.
Nous semblons si petits dans nos 4×4.
John, notre ranger, arme son fusil mitrailleur afin de tirer en l’air si le pachyderme tente une charge.
Le mastodonte ne semble pas intimidé, il continue vers nous et nous faisons marche arrière, il est chez lui, il a la priorité… puis il rentre dans la savane arbustive et disparaît lentement.
Les longs coups des girafes se redressent et nous regardent avant de fuir comme au ralenti, dans ce galop qui leur est si caractéristique. Les girafons suivent de près.
Les jours se succèdent, et les rencontrent s’accumulent.
A un moment, à une trentaine de mètres de nous, c’est un grand buffle solitaire qui hume l’air dans notre direction, orientant ses grandes oreilles au moindre son.
Plus tard, c’est une femelle éléphant qui tente l’intimidation en barrissant. La tête relevée, les oreilles écartées, elle hésite à charger.
Les zèbres se ruent dans les fourrés, dérangés dans leurs bagarres et coups de sabots récurrents.
Un serpentaire aussi appelé secrétaire (espèce de rapace), gambade du haut de ses grandes pattes à la recherche d’un serpent ou de quelques mulots. Il est curieusement plus à l’aise sur le sol que dans les airs et semble ne faire que de courts trajets aériens pour s’éloigner.
Les roliers à ventre bleu se font la cour et batifolent dans les airs. Les petits kalaos au long bec m’amusent beaucoup. Leur vol me fait penser à une longue brasse coulée.
Le soleil se couche et irradie le ciel de tons orangés chaleureux.
Nous profitons de cet instant pour boire une bière, et nous trinquons à la santé des quelques éléphants qui passent à une centaine de mètres.
Le matin, c’est une colonne tournoyante d’une trentaine de vautours que nous décidons de suivre. Le but, vérifier que l’animal qu’ils convoitent, n’ait pas été victime de braconnage. Mais cela n’est pas aisé. Voyant des hommes arriver, ils se déplacent pour ne pas dévoiler l’objet de leur quête.
Mais nos guides africains sont doués. Ils retrouvent après une dizaine de minutes de marche, un impala décédé suite à un coup de corne d’un adversaire. L’antilope a déjà été bien entamée par les rapaces.
Aux heures chaudes, les animaux restent « tankés ». Ils évitent les marches et se reposent. Nous en profitons pour faire un barbecue en pleine savane, proche d’un point d’eau. Bœuf sud africain et pain au cheddar et à l’ail. Dépaysant.
Après trois ou quatre jours, surtout en fin de journée, à force de chercher les animaux, je suis pris de quelques hallucinations visuelles. Je me mets à voir des animaux n’importe où : à la place d’un arbuste ou d’un bout de rocher… Nous échangeons là-dessus avec les personnes qui m’accompagnent. Me voilà rassuré, je ne suis pas le seul, même si cela reste une curieuse sensation.
De petits engoulevents (oiseaux nocturnes) apparaissent à la nuit tombée (18h environ). Quelques calaos planent devant la voiture. Nous assistons encore une fois à un magnifique coucher de soleil. Nous filons bon train vers la sortie de la réserve, soulevant une grande traînée de poussière qui s’accumule sur nos visages et vêtements.
La fraîcheur de la nuit africaine se fait sentir. Les parkas nous sont bien utiles.
Aujourd’hui, c’est un premier jour avec les insectes. Ils sont très présents. Les pluies des semaines précédentes ont fait leurs offices. Et la forte chaleur de ces quelques jours a sans doute aidé à leur éclosion.
Mais les animaux eux, restent discrets, peut-être cachés dans quelques forêts ou korongos (lits de rivières asséchées)
C’est frustrant !
La journée avance et la chance pointe son nez.
Une baignade d’éléphants dans un lac nous émerveille. Les petits s’envoient des jeysers d’eau et les plus grands se rafraîchissent. Deux ou trois autres restent sur la berge, sous les arbres, ruminant tranquillement, mais les sens en éveil.
Puis plus tard, John, le ranger de la réserve fait arrêter notre voiture et nous fait un drôle de signe ! Un genre de bras d’honneur. Tout le monde se regarde et personne ne comprend.
Il tend le bras…Et là, cachés dans les fourrés à cent cinquante mètres, c’est une petite famille de rhinocéros blancs que nous apercevons. Les deux parents et deux « ados ».
Notre ranger en faisant son « bras d’honneur » nous mimait, en fait, la corne du rhino.
Emus par cette vision, nous descendons des 4×4 et tentons de les approcher. Leurs grandes oreilles aux aguets, pivotent dans tous les sens alors que leur nez cherchent les odeurs portées par le vent.
Le groupe se sépare. Nous approchons à cent mètres. Ils nous toisent même si leur vue est très mauvaise. Puis ils s’évanouissent entre les arbustes, d’un petit trot léger.
Quelle spectacle ! Quelle chance !
Nous croisons la route d’un groupe d’éléphants qui vient de s’abreuver dans un étang. Une femelle énervée nous fait face. Le reste du troupeau s’éloigne dans un nuage de poussière.
La femelle déploie ses oreilles et barrit fortement. Il se trouve qu’elle a une défense mal formée qui pousse dans l’autre sens, ce qui doit la gêner constamment. Cela expliquerait son comportement agressif. Elle approche à une dizaine de mètres du véhicule. Pas vraiment rassurant. Puis elle détale pour rejoindre ses congénères.
Du haut d’une colline, une troupeau de buffles de 120 à 150 têtes avance régulièrement en broutant. A près d’une tonne par animal, cela pèse lourd sur la balance.
Certains mâles tentent de s’accoupler avec des femelles qui continuent leur marche comme si de rien n’était.
Nous ne rencontrons aucun fauve à part un beau léopard à la nuit tombée.
Des marabouts (oiseaux charognards) font leur apparition. L’un d’entre eux plane tranquillement de ses immenses ailes, se posant d’arbre en arbre.
Quelques zèbres, une famille de vervets (singes), des girafes au galop, un grand koudou et ses femelles, des impalas en pagaille, des hippotragues, des cobes à croissant, des autruches la tête dans le sable, un groupe d’éléphants qui, dérangé par des buffles, se met à les courser, des hippos lézardant au soleil…En bref, l’Afrique reste d’une richesse animale formidable.
Neuf jours extraordinaires que je garderai ancrés au plus profond de moi-même.
Un grand merci à Luc D.