Pierre-Jean Chabert
est né 1er
août 1978 à Montélimar (Drôme). C’est le premier d’une
fratrie de trois enfants (Antoine né en 1980, puis Victoire en
1989). Montélimar étant comme chacun sait la capitale du nougat,
Pierre-Jean ne s’est pas trompé de famille : il est le
petit-fils du célèbre nougatier Chabert & Guillot. Il se
souvient des « odeurs
de miel et de sucre, le balai incessant des abeilles attirées par
ces saveurs provençales, les jeux avec mon frère dans l’usine le
week-end, chipant des nougats dans sur les grands tapis roulants. La
vision de ces grandes cuves de cuivres mélangeant la pâte de
nougat… ». Mais
comme il n’y a pas que les nougats dans la vie, Pierre-Jean prend
des cours de modelage vers l’âge de 7-8 ans dans un vieux mas de
la Drôme. Outre ses premières sensations avec la terre, il en
rapporte à ses parents quelques cendriers et autres bols émaillés,
bien souvent de mauvais goût.
Son
père, Pascal, est un touche-à-tout, toujours prêt à rebondir :
après avoir travaillé comme commercial dans l’entreprise
familiale, il emporte sa famille dans la région de Montpellier et
occupe les postes les plus divers, allant de la bijouterie/joaillerie
aux produits écologiques en passant par la restauration ou la
direction d’une maison de retraite. Il transmet à son fils sa
sociabilité, son humour et sa passion de l’Histoire.
Sa
mère, Véronique (née Delabie), est issue d’un milieu
d’industriels. Elle est une passionnée de peinture et d’aquarelle
qui réalise également des maquettes de maisons pour les
architectes. « Comme on les faisait à l’époque, se souvient
Pierre-Jean, avec du flocage, des découpes de balsa, des faux
arbres, parfois avec lumière intégrée. Un univers magique et de
précision qui a dû intervenir dans mon parcours et me nourrir ».
Puis à la naissance de son second fils, elle se consacre à des
actions humanitaires. Pierre-Jean héritera de son goût et de ses
talents artistiques. Autre jalon dans l’histoire familiale qui
jouera un rôle que Pierre-Jean ne pouvait soupçonner à cette
époque : les 26 tomes d’une encyclopédie animalière offerte
par son arrière grand-mère paternelle, Jeanne Bérenger.
Tout
au long de sa vie, il effectue divers voyages qui laisseront une
forte empreinte. Il y aura la découverte de plusieurs pays européens
(Irlande, Angleterre, Espagne, Italie, Portugal, Belgique, Allemagne,
Hollande), l’Égypte qui le confronta avec la démesure de la
sculpture puis Malte, Capri, Florence, Monastir... Les voyages
l’éloignent du domicile familial à partir de ses 18 ans :
successivement, l’Australie, les États-Unis, le Mali, le Sénégal,
la Thaïlande, le Vietnam. D’autres voyages, également marquants,
contribueront à forger son regard de sculpteur animalier : la
Centrafrique en 2012 et l’Afrique du Sud en 2013.
Pierre-Jean aime le
contact avec la matière. Vers l’âge de 12-13 ans, il utilise fils
de fer, bougies, savons et autres objets divers pour fabriquer des
personnages. Mais c’est le travail de la terre qui lui procure les
plus belles émotions. Dans son cas, ce sera l’argile, celle dont
on fait les poteries. Il y revient vers ses 15-16 ans : « à
cette époque je réalisais des têtes avec des billes de verre en
guise d’yeux, que j’éclairais de l’intérieur ». Ce goût
pour la recherche de la lumière le conduit également à réaliser
des lampes avec des œufs d’autruche. Quoi de plus naturel pour un
artiste du signe du lion - ascendant lion, signe de feu par
excellence !
L’école
n’est pas une passion. C’est un élève moyen. Seulement doué en
dessin, langues et sport. En classe de 3ème,
un conseiller d’orientation bien inspiré, le voyant plutôt
« manuel » lui recommande de devenir garagiste. « Il
avait – presque – vu juste. J’aimais déjà la technique,
l’électronique et le bricolage ». Le dessin devient
chronophage et
le lycée lui offre de merveilleux supports pour laisser libre cours
à son imagination : des tables de cours entièrement ornées de
dessins au crayon, en particulier pendant les cours de français et
de philosophie au lycée Joffre. Il découvre aussi la magie et se
« produit » à l’occasion de quelques goûters
d’anniversaire d’enfants. Son envie de spectacle grandit.
Vers
ses 18 ans Pierre-Jean ressent un mal-être et accepte des
rendez-vous avec une psychologue. À sa demande, il lui montre ses
dessins qui s’avèrent être violents et sanglants. « Pour
moi, mes dessins étaient normaux. Sur
le test de l’encre de Rorschach, je voyais souvent des
chimères et autres démons, il se peut que cela n’ait rassuré
ni la psy ni ma mère ! ».
Pierre-Jean obtient
son baccalauréat en 1998 et forme le projet de devenir comédien.
Grâce au support de ses parents, il s’inscrit au cours Florent à
Paris, puis à la FACT, association Franco-américaine Cinéma et
Théâtre qui s’inspire des méthodes de l’Actors
Studio,
ainsi qu’aux cours des Ateliers de l’Ouest. Ses expériences dans
le monde du théâtre lui donnent accès à des divers rôles en tant
que comédien. Des publicités (Kit
Kat
Chunkyde Christian Merret-Palmair, Crédit
Agricole de
Xavier Giannoli,
Kellog’spar Érick Zonca, Mac Donald’s…),
des bandes annonces, des films de prévention (Prévention
Sidapar Christophe Honoré), des voix pour des jeux vidéo, des rôles au
théâtre, beaucoup de courts métrages…
Mais il se projette de plus en plus difficilement dans cette carrière
de comédien qui génère des incertitudes et des doutes. Un
vieux rêve reprend forme, celui de devenir sculpteur : « le
fait de pouvoir présenter un travail fini, pensé et abouti,
dans un cadre scénographié, m’a ôté la peur qui pouvait
m’envahir en casting, dans l’incertitude d’un rôle ou
l’attente d’une réponse, la peur de vieillir et de ne
plus plaire. Au contraire du jeu du comédien, la sculpture est
intemporelle et ne vieillit pas. » Mais le dessin est une
affaire sérieuse, et il se décide de prendre des cours aux ateliers
du Carrousel du Louvre.
Les années
2002-2003 marquent un tournant dans sa vie. Il redécouvre le
modelage, travaille à nouveau la terre et découvre les étonnantes
possibilités créatrices qu’offrent les pâtes polymères. Il se
met alors à sculpter des personnages de toutes sortes et se
rapproche du monde de la miniature. Le petit appartement du 17e
arrondissement se transforme alors en atelier de modelage… Les
figurines comme avant-goût d’un avenir encore inconnu. Ce travail
personnel et autodidacte, pratiqué soirs et week-ends, durera
jusqu’en 2010. Parallèlement, à partir de 2006, Pierre-Jean
trouve un travail dans une société de gestion de patrimoine,
d’abord comme chauffeur, puis en tant que cadre administratif. De
son propre aveu, « une expérience qui m’éloignait de mes
préoccupations artistiques mais
qui a structuré mes délires créatifs. Ce métier m’a offert une
sécurité financière, me laissant le loisir de faire mes
castings et tournages jusqu’à ce que cette envie de briller
s’estompe. Il m’a appris, grâce au soutien de mon patron, ce
dont j’avais besoin pour démarrer : le mailing et la relance
client, le contact commercial et les tournures de phrases… ». La
comédie et la gestion, a
posteriori,
deux cordes essentielles à son arc.
Conscient de la
nécessité de perfectionner cet art du modelage qu’il affectionne
tout particulièrement, Pierre-Jean prend des cours du soir au rythme
de trois heures par semaine avec modèle vivant à l’École Duperré
(Paris). Il réalise des nus, des portraits et ses premières pièces
animalières. Son professeur de modelage est alors Philippe Seené,
qui jouera un rôle déterminant dans son parcours. Un professeur qui
lui donne la confiance dont il avait besoin, intransigeant, « de
la vieille école, le Maître qui ne prend pas de pincettes, mais
avec un cœur passionné pour le modelage et la transmission ».
De fait, Pierre-Jean voit que la confiance s’installe, qu’il peut
s’autoriser à s’émanciper des canons esthétiques traditionnels
pour aboutir à des « formes interrompues mais que l’œil
prolonge ». Travail d’après modèles vivants, technique du
profil, du bas et haut relief, de la ronde bosse, du portrait, autant
de pratiques rigoureuses qui lui donnent le sentiment de vivre une
expérience exceptionnelle, dans un cadre appartenant à une
tradition inchangée depuis le XVIIe
ou le XVIIIe
siècle.
Le résultat ne se fait pas attendre très longtemps. En octobre
2010, Pierre-Jean quitte la finance pour réaliser son rêve
d’enfance et devenir sculpteur professionnel. Il organise sa
première exposition personnelle en juin 2011. Premier bronze : une
tête d’hippopotame qui sort de l’eau. On ne peut traduire plus
clairement l’émergence d’un artiste. S’en suivront des
animaux, dont quelques pièces emblématiques : Rhino,Orang
Outan sur son coude,Tête
de gorille, Tête de lionou Gorille
sur un poing,Rage
de vivre…,
quelques sujets humains également réalisés dans son atelier de 15
m² à Saint-Ouen. Il faut ajouter à ces nombreuses tentatives et
recherches esthétiques dans des domaines variés le dessin de
mobilier, la réalisation de bijoux fantaisie pour un créateur
parisien, des commandes pour un décorateur…
2013
est l’année de la rencontre avec son épouse Sarah Scouarnec et de
sa fille Luna (née en 2004). Sarah est alors conceptrice
lumière en muséographie, mais également et surtout sculptrice
(terres cuites et bronzes). Elle se consacre aujourd’hui pleinement
à cette activité en puisant les sources d’inspiration de son
« art de l’étrange » dans la mythologie, le
surréalisme, le symbolisme, la psychanalyse... Un retour aux
sources, puisqu’elle est elle-même fille de céramistes
professionnels qui exercent leur activité en Touraine. Sarah et
Pierre-Jean ont deux enfants : Capucine (née en 2016) et Zoé
(en 2018). Ils déménagent de Paris vers la Loire, d’abord à
Véretz puis à Amboise.
En
2015, Pierre-Jean et Sarah s’installent dans les Ateliers de La
Morinerie. Cet espace de 140 m² lui permet de développer sa
créativité et de réaliser des œuvres de plus grande envergure. Il
se forme au moulage et à la soudure et s’équipe en conséquence.
Commence alors pour lui une belle carrière ponctuée de réalisations
personnelles, de nombreuses expositions qui rencontrent un vif
succès. Il se spécialise dans l’art animalier, ses sculptures
sont conçues en terre, moulées puis fondues dans des fonderies
d’art françaises telles que Rosini et BBC/Gaillard. Ses œuvres
sont actuellement exposées aux quatre coins de l’Europe et à
l’étranger (États-Unis, Suisse, Angleterre, Australie, Chine).
Mais au-delà des expositions, il y a les histoires de rencontres,
celles qui ont été déterminantes : « des
amis d’enfance qui m’ont prêté un atelier à La Chapelle puis
loué un autre à Saint-Ouen, les amis d’amis, les parents, les
premiers clients, les soutiens et mécènes, ceux qui vous sortent de
l’ornière en acquérant une ou plusieurs œuvres quand la
trésorerie est rongée par les fontes de bronze et la vie
parisienne… ».
Fort
de ce succès et de la confiance qui lui est témoignée, Pierre-Jean
ralentit son nombre d’expositions annuelles et collabore avec
plusieurs galeries d’art afin de se consacrer au maximum à
l’essentiel : sa création.
Stéphane GENDRON, auteur, sculpteur et musicien